samedi 4 mars 2017

Table des matières et mises à jours

Table des matières du blogue
  1. Les faits saillants
  2. L’étude intégrale en format Web
  3. L’étude intégrale en format PDF
  4. Motivations de l’auteur
  5. Extra de méthodologie : les équations  - en construction
  6. Extra de méthodologie : les valeurs d’entrées (données sources)
  7. Extra de méthodologie : les valeurs de sortie (données calculées)
  8. Extra de méthodologie : scripte de programmation (calcule) - en construction
  9. Analyse supplémentaire : Poids démographique des Canadiens-français et appuis à la souveraineté
  10. Analyse supplémentaire :Immigration, fécondité, et nombre de travailleurs par personne dépendante

Mises à jour et historique

Août 2017 : Mise en ligne du blogue

Août 2017 : Mise en ligne des sections :

·         L’étude intégrale en format Web
·         L’étude intégrale en format PDF
·         Motivations de l’auteur
·         Extra de méthodologie : les valeurs d’entrées (données sources)
·         Extra de méthodologie : les valeurs de sortie (données calculées)

Octobre 2017 : Mise en ligne de la section :

·         Analyse supplémentaire : Poids démographique des Canadiens-français et appuis à la souveraineté

Novembre 2017 : Mise en ligne de la section :

·         Analyse supplémentaire : Immigration, fécondité, et nombre de travailleurs par personne dépendante

Sections qui seront éventuellement ajoutées
  • Extra de méthodologie : les équations 
  • Extra de méthodologie : scripte de programmation (calcules)
  • Analyse approfondie sur le rapport de dépendance


1 - Les faits saillants


IMMIGRATION DE MASSE AU QUÉBEC : EFFET SUR LE POIDS DÉMOGRAPHIQUE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Les faits saillants

·         Rappel de la littérature
o   95% des ancêtres des Québécois catholiques mariés entre 1945 et 1965 (baby-boomers) ont immigré de France avant 1760  (*Vézina 2005)
o   En 1971, 79% des Québécois appartenant au groupe ethnique canadien-français (*Robert Maheu 1973)

·         Les résultats
o   En 2014, le poids démographique de l’ethnie canadienne-française était de 64%
o   Le poids démographique de l’ethnie canadienne-française à diminué de 0.5% par année au cours des dernières années
o   Les projections supposent que l’ethnie canadienne-française passera sous la barre des 50% à l’horizon de 2035 pour la province de Québec
o   En considérant le taux d’immigration, la fécondité des natifs et des immigrés, les taux de mortalité, le taux de rétention des immigrants, le métissage et les migrations interprovinciales, on constate que le principal facteur causant la chute du poids démographique de l’ethnie canadienne-française est de loin les niveaux élevés d’immigrants s’installant au Québec
o   La comparaison des rapports de dépendances avec et sans immigration montre que l’immigration ne renverse pas la tendance du vieillissement de la population; elle ne fait que l’atténuer

·         Validation des résultats par rapport à d’autres études
o   Les travaux de Jacques Henripin supposent que 50% des Québécois de l’an 2050 descendront des Québécois de 1981. En considérant l’ethnie canadienne-française, ses travaux pointent vers une minorité dans l’horizon 2030-2040 (*Henripin 1987)
o   En janvier 2017 Statistique Canada publiait une étude affirmant que les immigrants de première et deuxième génération pourraient représenter 46 à 50% de la population canadienne en 2036 (**Morency 2017)

v  *Références disponibles dans le document
v  **Morency J.D., Caron-Malenfant E. et MacIsaac S. (2017)  Immigration et diversité : projections de la population du Canada et de ses régions, 2011 à 2036, Statistique Canada, http://www.statcan.gc.ca/pub/91-551-x/91-551-x2017001-fra.htm


Les faits saillants sont aussi disponibles en PDF à l'adresse suivante : https://www.dropbox.com/s/9nbwmy4lwr42xz7/Les%20Faits%20Saillants.pdf?dl=0

2 - L'étude en format intégral

IMMIGRATION DE MASSE AU QUÉBEC : Effet sur le poids démographique des Canadiens-français du Québec ainsi que sur le vieillissement de la population

RÉSUMÉ
Outre l’époque où le territoire de la province de Québec était peuplé d’une majorité amérindienne, le groupe ethnique des Canadiens-français a toujours été majoritaire sur ce territoire. Or, depuis les années 70, le taux de natalité des Canadiens-français est relativement faible et le taux d’immigration est élevé. L’étude ci-présente a  pour objectif premier de déterminer le poids actuel des Canadiens-français au Québec, de projeter l’évolution du poids démographique de ce groupe ethnique et de déterminer l’horizon dans lequel les Canadiens-français deviendront une ethnie minoritaire dans la province. L’étude a pour second objectif d’évaluer l’impact de l’immigration de masse sur le vieillissement de la population et sur le rapport de dépendance. L’analyse des résultats montre que les Canadiens-français sont passés de 79 % en 1971 à 64 % en 2014. Au cours des dernières années, les Canadiens-français ont été remplacés démographiquement par les immigrants à un rythme de 0.5 % par année, puisque l’arrivée annuelle d’immigrants représente actuellement l’équivalent de 1 % de la population canadienne-française. Les projections permettent d’estimer que les Canadiens-français deviendront minoritaires au Québec aux environs de 2035. L’analyse de la pyramide des âges en 1971, 2014 et 2035 démontre que l’immigration n’a eu aucun impact significatif sur le vieillissement de la population. L’analyse du rapport entre la population en âge de travailler et la population dépendante montre que l’immigration n’a pas eu et n’aura pas d’impact important sur l’évolution du rapport de dépendance.

ABSTRACT
Except the era when the province of Quebec was populated by a Native American majority, the French Canadian ethnic group has always been the majority on this territory. However, since the 70s, the French Canadian birth rate has been relatively low while immigration rate has been high. This study has been done in order to quantify the ethnic French Canadians' demographic proportion in the province of Quebec as of today; it also aims to forecast the year at which this ethnic group will fall under 50%. The study also has as a secondary objective to evaluate the effect of mass immigration on population aging and on the dependency ratio. Results show that the French Canadians went from 79% in 1971 to 64% in 2014. In the last few years, the French Canadians were demographically substituted by immigrants at a rate of 0.5% per year explained by the fact that the yearly immigration rate is equivalent to 1% of the French Canadian population. The projections estimate that this ethnic group will fall under 50% around the year 2035. The age pyramids of 1971, 2014 and 2035 shows that immigration has no significant effects on population aging. Accordingly, immigration has not had and will not have any significant effects on the dependency ratio trends.

Disponible au format PDF à l'adresse suivante :

INTRODUCTION
L’immigration de masse contemporaine, qui a débuté vers la fin des années soixante, est caractérisée  par l’émigration en grand nombre d’individus en provenance de pays en voie de développement en direction des pays développés (Pok 2012). Ce phénomène a un impact important sur la composition ethnique des nations. Paradoxalement, au Québec, il n’existe pas de données fiables permettant de constater quel a été l’impact de ce phénomène sur l’actuel poids démographique de l’ethnie canadienne-française et encore moins sur l’effet que l’immigration aura dans les années futures. Ce travail a ainsi été réalisé dans le but de combler cette lacune.

Dans le cadre de ce travail, il est important de définir l'ethnie des « Canadien-français du Québec ». Nous définirons comme Canadien-français du Québec (CFQ) tout individu dont la grande majorité des ancêtres est issue de la colonisation française arrivée avant la conquête de la Nouvelle-France en 1760. La composition génétique des CFQ sera décrite plus loin dans cette introduction.

Les données actuelles de recensement ne permettent pas de connaître l’état exact de la situation étant donné qu’un Canadien-français du Québec (CFQ) peut se définir comme Québécois, Français, Canadien ou Canadien-français, alors qu’un Québécois qui n’est pas un Canadien-français ou un descendant d’immigrants peut aussi se définir comme Canadien, Québécois ou Français. De plus, les individus peuvent s’identifier à plus d’une catégorie. En 2006, 2 151 655, 4 474 115 et 140 075 individus ont respectivement indiqué être Français, Canadien et Québécois (Statistique Canada 2006). Il est alors impossible de différencier les CFQ des anglophones québécois, des immigrants en provenance de la France et des descendants d’immigrants. Le manque de rigueur des données de recensement concernant l'ethnie rend ainsi ces données inutilisables. Sous un autre angle, les données de recensement pourraient permettre de déterminer la proportion de CFQ parmi la population en se basant sur la proportion de répondants ayant le français comme langue parlée à la maison. Cependant, ce facteur est imprécis, car il est biaisé par les immigrants de seconde génération ayant acquis le français, les individus métissés et les immigrants en provenance de pays francophones. Ainsi, en 2006, on compte 6 027 730 individus parlant le français à la maison au Québec, soit 81 % des Québécois. L’analyse a au moins le mérite de situer une limite supérieure pour le poids des CFQ. Les données ethniques les plus fiables à ce sujet remontent au début des années 70 alors que le démographe Robert Maheu (Maheu 1973), dans le bulletin de l’association des démographes du Québec, discute de l’avenir des groupes linguistiques du Québec. Son analyse de la linguistique tient compte du facteur ethnique, facteur primordial influençant la vitalité de la langue française à une époque où le français n’est pas protégé par des outils comme la loi 101. On y apprend qu’en 1971, 79.0 % des Québécois appartiennent au groupe ethnique canadien-français, 10.6 % au groupe canadien-anglais et 10.4 % à de tiers groupes. Au point de vue linguistique, la même année, 80.7 % des Québécois ont le français comme langue maternelle, 13.1 %, l’anglais et 6.2 % une autre langue (Maheu  1973). Nous pouvons ainsi tenir pour acquis que les CFQ constituaient 79 % de la population québécoise en 1971.

Concernant les CFQ, il est important de décrire brièvement le bagage génétique de ce peuple, car il n’est pas rare d’entendre dans le discours populaire que le « Québécois de souche ou pure laine » n’existe plus, puisque les différentes vagues d’immigration auraient prétendument réduit le poids des colons français dans le bagage héréditaire des Canadiens-français. Une étude des banques de données généalogiques BALSAC et du registre de la population du Québec ancien (RPQA) par Hélène Vézina et ses coauteurs (Vézina et coll. 2005) a permis de retracer la contribution génétique des ancêtres de ce que nous avons défini comme étant des « Canadiens-français du Québec ». L’auteur a étudié 2 223 généalogies tirées au hasard parmi les catholiques québécois nés entre 1945 et 1965. L’étude a démontré que les catholiques nés entre 1945 et 1965 ont 95 % de leurs ancêtres en provenance de la France, 2 % originaires du Royaume-Uni, 1.35 % d’origine autochtone et la balance originaire des autres pays européens. On comprend que les catholiques nés entre 1945 et 1965 sont essentiellement les Canadiens-français du Québec. Nous avons repris les résultats de l’auteur et en avons fait un graphique récapitulatif de la contribution génétique des ancêtres des CFQ (voir figure 1). Ainsi, en cohérence avec notre définition, il existe encore un peuple dont la majorité des ancêtres est issue de la colonisation française.


Figure 1. Contribution (%) des peuples dans le patrimoine génétique des Canadiens-français du Québec selon le pays d’origine 

La littérature actuelle ne permet pas d’établir précisément l’impact de l’immigration de masse sur le poids démographique des CFQ en date d’aujourd’hui. Dans le passé, Jacques Henripin (Henripin 1986; Henripin 1987) avait fait des projections sur 100 ans, de 1981 à 2081, et en avait conclu que si l’indice de fécondité des Québécois se stabilisait à 1.6 et que l’on maintenait la population québécoise stable à l’aide de l’immigration, le bagage génétique des Québécois de nés en 1981 ne représenterait que 24 % du bagage génétique de ceux nés en 2081. Les travaux présentés dans cet article permettront, entre autres, de faire un retour sur les travaux d’Henripin 30 ans plus tard et de valider ses projections en calibrant un modèle basé sur 44 années de donnée sur l’immigration. La méthodologie utilisée, différente de celle d’Henripin, tirera avantage de facteurs intégrant les valeurs publiées dans la littérature depuis 1971.

L’objectif principal de ce travail est de présenter l’impact de l’immigration de masse sur le poids démographique des CFQ en date d’aujourd’hui et pour les années futures. Dans une seconde mesure, ce travail permettra de montrer en quelle année les CFQ deviendront une minorité au Québec et d’illustrer les effets de l’immigration sur le vieillissement par le biais de la pyramide des âges et du rapport de dépendance. Le travail s’est fait en deux temps : l’évolution du poids démographique des CFQ de 1971 à 2014 a été étudiée, puis une projection du poids démographique des CFQ de 2014 à 2050 a été effectuée.

Note : Dans le but de faciliter la lecture, la section méthodologie a été déplacée à la fin du document, après la conclusion.


RÉSULTATS ET DISCUSSION

Section I : Évolution du poids démographique des Canadiens-français du Québec de 1971 à 2014. 

Évolution de 1971 à 2014
Les calculs ont permis de tracer l’évolution du poids démographique des Canadiens-français du Québec (CFQ), des Canadiens non français (CNF) résidant au Québec dont les racines remontent à avant 1971 et des immigrants arrivés après 1971 et descendant de ces mêmes immigrants (IDI) pour les années 1971 à 2014. Le travail a été réalisé à l’aide d’une méthode que nous avons qualifié d’estimatif dans la section méthodologie. Comme décrit dans la section méthodologie, les calculs tiennent compte de l’immigration annuelle, de l’émigration, du retour d’émigrants, du solde interprovincial, des naissances, des décès, du taux de mortalité, du taux de rétention des immigrants, des taux de métissage*, de la population initiale ainsi que des poids démographiques initiaux de 1971.

*Le métissage dont il est question est purement artificiel. C’est un concept formulé pour décrire les individus nés de couples formés entre un CFQ et un IDI ou un CNF et un IDI.  Il est décrit plus loin dans la section méthodologie.

Effet sur le poids démographique des Canadiens-français du Québec (CFQ)
On constate une baisse continue de la proportion des CFQ, passant de 79 % en 1971 à 64 % en 2014, soit une baisse de 15 % en 43 ans (figure 2). Quand on observe les chiffres, on constate que la population des CFQ n’a essentiellement pas augmenté entre 1971 et 2014, passant de 5.4 millions à 5.9 millions (augmentation de 9.2 %). Par contre, la population québécoise a augmenté de 34 %, passant de 6.1 millions à 8.2 millions.


Figure 2. Poids démographique des Canadiens-français (losange), des Canadiens non français (triangle) et des immigrants arrivés après 1971 et de leurs descendants (axe) pour la province de Québec.

Effet sur les Canadiens non français (CNF)
Dans le cadre de cette simulation, l’évolution démographique des CNF est semblable à celle des CFQ. En réalité, la population CNF, principalement constituée d’anglophones, a probablement diminué davantage à cause de l’exode des anglophones dans les années 80 et de l’émigration plus forte chez les anglophones que chez les francophones (Maheu 1983). Comme l’objectif de cette simulation n’est pas d’être précis sur la fraction de la population CNF, mais plutôt sur la population CFQ, les différences concernant l’émigration n’ont pas été considérées. De plus, il aurait été hasardeux de tenir compte efficacement de cet effet, puisqu’il est difficile de dire s’il perdurera étant donné que plusieurs circonstances expliquent ce phénomène (Pettinicchio 2012).

Effet sur les immigrants et leurs descendants (IDI)
Ce groupe de population est responsable de la majorité de l’augmentation de la population québécoise. En 43 ans, ce groupe a fait augmenter la population de 1.5 million d’individus, ce qui correspond à 73 % de l’augmentation de la population québécoise de 1971 à 2014. L’augmentation de cette tranche de population est due au fort taux d’immigration, à une fécondité légèrement supérieure à celle des CFQ et au fait que les enfants issus du métissage ont été attribués à ce groupe.

Effet de substitution des Canadiens-français
La substitution des Canadiens-français par des immigrants s’est faite à un rythme soutenu de 0.2 à 0.5 % par année avec un plafond historique d’un demi-pour cent pour les cinq dernières années (figure 3). Le pic de substitution que l’on observe à la fin des années 90 est dû à deux données aberrantes: en 1987 et 1989, le Québec a accueilli un nombre record de résidents non permanents – 18 000 et 28 000 individus respectivement – ce qui fausse la courbe de tendance. Ainsi, le taux de substitution actuel est des plus hauts depuis les débuts des années 70.


Figure 3. Taux de substitution démographique annuel des CFQ par l’arrivée d’immigrants (en gris) et rapport entre le nombre d’immigrants admis annuellement et la population canadienne-française (en noir) en pourcentage.

On observe aussi que le taux d’immigration augmente à travers les années. Ceci semble anodin puisque la population québécoise augmente elle aussi, suivant approximativement la même tendance. Cependant, quand on tient compte du fait que la population des CFQ n’a pratiquement pas bougé, on constate que la quantité de nouveaux arrivants, par rapport à la population des CFQ, augmente de façon soutenue au cours des années (figure 3). Un sommet fut atteint en 2013, année pour laquelle l’immigration équivalait à 0.95 % de la population canadienne-française du Québec. Ainsi, la substitution des CFQ par les nouveaux arrivants est un phénomène en accélération.

Impact des différents facteurs étudiés
L’analyse de l’impact des facteurs décrits dans la section de la méthodologie permet de voir leur effet sur les résultats en 2014 (figure 4). Le facteur ayant le plus d’impact dans l’analyse est le taux de rétention des immigrants dont l’inclusion fait augmenter le poids des CFQ de 2.1 %. Celui ayant le moins d’impact est la considération des différences de taux de mortalité dont l’inclusion fait augmenter de 0.6 % le poids des CFQ. La considération de la différence des taux de fécondité et du métissage abaisse le poids des CFQ de 1 et 0.9 % respectivement. Lorsque tous ces facteurs sont considérés, le poids des CFQ augmente de 0.8 % par rapport à une répartition des composantes de l’accroissement démographique selon le prorata. Donc, ne pas avoir inclus ces facteurs n’aurait pas eu d’impact significatif sur l’analyse par effet de hasard. Cependant, tenir compte seulement de certains facteurs aurait légèrement biaisé le compte. Ainsi, ne pas avoir pris en compte l’effet de la fécondité et du métissage aurait fait monter le poids des CFQ de 1.9 % alors que ne pas tenir compte de l’âge d’arrivée des immigrants sur la mortalité et du taux de rétention aurait fait baisser le poids des CFQ de 2.7 %.


Figure 4. Impact de l’inclusion des facteurs correctifs sur le poids des CFQ en 2014.

Analyse de sensibilité des facteurs calculés
L’analyse de sensibilité permet de sous-évaluer et de surévaluer chacun des facteurs correctifs dans l’espace des valeurs plausibles, dans le but d’évaluer l’impact d’une mauvaise estimation de ces valeurs sur le poids démographique des CFQ en 2014. On a fait varier, à partir de 1971, le taux de mortalité, le taux de rétention des immigrants, l’indice synthétique de fécondité des individus nés à l’étranger et la proportion d’immigrants en couple avec un natif de ±25 %, ±10 %, ±25 % et ±15 % respectivement par rapport au niveau utilisé pour l’étude. La figure 5 montre que pour chaque facteur, l’impacte des variations est très respectables (entre 0.5 % et 1.7 %). En compilant les valeurs les plus basses et les plus hautes, on obtient les extrêmes de -3.3 % et + 3.9 % respectivement. Ainsi, il serait raisonnable d’affirmer que les CFQ formeraient entre 62 % et 66 % de la population québécoise en 2014.



Figure 5. Impact de la variation des facteurs correctifs sur le poids des CFQ.

Validation des résultats
Les données provenant de la simulation ont été comparées à quelques études statistiques et démographiques dans le but d’évaluer si les valeurs générées sont réalistes (langue parlée, religion, nombre d’immigrants).

Comparaison avec la langue parlée à la maison
Tel que discuté en introduction, la langue parlée à la maison permet de situer un plafond à la valeur recherché. En 2006, 81 % des individus résidant au Québec parlent français à la maison, ainsi le poids des CFQ à une limite supérieure de 81 %. Dans le présent travail, en 2006, le poids des CFQ est de 68 %, ce qui est en accord avec la limite linguistique. L’écart entre les CFQ et les francophones est de 13 %, ce qui est réaliste étant donné le nombre de locuteurs francophones non Canadien-français (en provenance d’Europe, d’Afrique, etc.).

Comparaison avec des données confessionnelles
Selon le tableau 3 du document « Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination », on voit que 86.1 % et 83.4 % des Québécois sont catholiques en 1991 et 2001 respectivement (ministère de l’immigration et des communautés culturelles 2006). Sachant qu’en prenant les Québécois catholiques et en leur soustrayant les immigrants catholiques, on devrait obtenir une valeur proche du poids des CFQ, on peut donc se servir de ces données à des fins de comparaison. Ainsi, selon ces données, on arrive à 82 % et 79 % de catholiques au Québec. Le nombre d’individus n’indiquant aucune appartenance religieuse est négligeable : 3.9 % et 5.8 % pour 1991 et 2001 respectivement. Notre étude estime que les CFQ sont à 73 % et 70 % pour 1991 et 2001 respectivement. La différence de 9 % entre la population de CFQ et la population catholique non immigrée vient probablement des CNF et IDI catholiques (Irlandais, Italiens, Latinos, etc.).

Comparaison avec le nombre d’immigrés de 1re génération
Selon les données du recensement de 2006 (Turcotte 2009), la population d’immigrés est de 851 600 personnes, soit 11.5 % de la population. Selon l’estimation de notre modèle, les immigrants de première génération seraient de 805 000 personnes, soit 10.5 % de la population. Une différence de 1 % est acceptable et est probablement expliquée par les limites de la précision des facteurs d’ajustement de la mortalité et du taux de rétention des immigrants (migration interprovinciale). L’analyse se limite à l’année 2006 puisque notre étude ne considère que les immigrants arrivés après 1971, alors que le recensement inclut ceux d’avant 1971. Donc, à mesure que l’on s’éloigne de 1971, les proportions d’immigrants calculés convergent vers les valeurs du recensement pour la proportion de la population immigrée jusqu’à ce que la proportion des descendants d’immigrants devienne significative.

Section II : Évolution du poids démographique des Canadiens-français du Québec de 2014 à 2050

Évolution de majoritaire à minoritaire
Le modèle construit aux fins de cette étude prédit que les CFQ seront minoritaires aux environs de 2035 (figure 6). Les CFQ représentaient 79 % de la population québécoise en 1971, représentent 63 % de la population en 2014 et représenteront 49.9 % de la population en 2035, selon notre modèle. Nous insisterons donc sur l’année 2035 pour la suite de notre analyse.



Figure 6. Poids des Canadiens-français (losange), des Canadiens non français (tiret) et des immigrants et leurs descendants (axe) étant arrivées après 1971.

On observe que les natifs aux racines antérieures à 1971 (Canadien-français et Canadien non français) atteignent un plateau autour de l’an 2000 pour ensuite amorcer un lent déclin (figure 7). Entre 1971 et 2035, la population native  est restée relativement stable. Les Canadiens-français passent de 4.9 millions en 1971 à 5.1 millions en 2035. Par contre, la population dont les ancêtres sont arrivés au Québec après 1971 connaît une croissance soutenue, atteignant 3.8 millions en 2035. L’augmentation de la population québécoise est ainsi due principalement à l’immigration.

Figure 7. Démographie québécoise de 1971 à 2050. Population totale (triangle), canadienne-française (losange), Canadiens non français (tiret), immigrants et leurs descendants (axe).

Dans la figure 8, on constate l’effet de l’immigration, du faible taux de natalité québécoise et du métissage sur le poids des CFQ dans la population québécoise. Premièrement, dans la zone du graphique où le poids des CFQ est supérieur à 70 %, on observe un plateau en gris foncé et noir qui correspond aux cohortes d’âges qui n’ont jamais été « bousculées démographiquement » par les immigrants arrivés après 1971.  Deuxièmement, on observe une vague dont le sommet est à environ 70 % et le creux à environ 55 % en 2015 et qui est continue de 1971 à 2035; c’est la vague des baby-boomers. Leur nombre et leur année de naissance font en sorte que l’immigration affecte cette cohorte de façon négligeable et donc graphiquement imperceptible. La seconde vague, dont le sommet est à environ 63 % en 2015, s’estompe rapidement; c’est la vague des enfants de baby-boomers. Cette dernière vague s’estompe rapidement puisque chaque année des immigrants s’ajoutent à ce groupe d’âge. On observe aussi que les CFQ sont minoritaires de 0 à 45 ans pour l’an 2035. Finalement, on observe que le pourcentage des naissances québécoises pour la population des Canadiens-français diminue fortement entre 2014 et 2035; la pente est très abrupte. Ce groupe ethnique ne compte que pour 35 % des nouvelles naissances en 2035, ce qui laisse présager qu’ils deviendront minoritaires rapidement.

Figure 8. Poids des Canadiens-français selon l’année et l’âge.

Effet de l’immigration sur la pyramide des âges

Pyramide des âges pour 1971, 2014 et 2035
La figure 8 ne tient pas compte de la population totale puisque l’on regarde chaque tranche d’âge individuellement, alors que la pyramide des âges (figure 9) tient compte de cet aspect. La pyramide montre que les baby-boomers sont le groupe démographique ayant le plus de poids en 1971 et en 2014. Cependant, leur poids relatif diminue au cours des années et en 2035, la mortalité des baby-boomers fait en sorte que leurs enfants deviennent le groupe avec le plus d’importance. Cependant, le poids des enfants des boomers, en 2035, est relativement faible, ce qui en fait un groupe minoritaire même si c’est le plus nombreux. En 1971, la pyramide des populations est très disproportionnée, ce qui donne un très grand rapport de force démographique aux boomers, alors qu’en 2035, la pyramide est relativement droite, ce qui fait qu’aucune cohorte d’âges n’est dominante.

Figure 9. Pyramide des âges pour la population totale du Québec. 1971 (tracé noir, gras), 2014 (tracé gris), 2035 (tracé noir, mince).

Pyramide des âges sans immigration
Sur la figure 10, on observe la pyramide des âges pour une simulation où il n’y a eu aucune immigration de 1971 à 2035. On constate que l’apport d’immigrants a eu un impact négligeable sur l’aspect de la pyramide en comparant les figures 9 et 10. Le seul effet perceptible est que la cohorte des baby-boomers est supplantée par la cohorte des enfants de boomers dans le scénario avec immigrants, ce qui n’est pas le cas dans celui sans immigrants. Certes, la population québécoise a augmenté (figure 7), mais le vieillissement de la population a suivi son cours. Donc, l’immigration n’a pas eu l’effet démographique souhaité, c’est-à-dire limiter les effets du vieillissement tel que souhaité par nos politiques gouvernementales (Gouvernement du Québec, 2015).

Figure 10. Pyramide des âges pour la population totale du Québec sans considérer l’immigration. 1971 (tracé noir, gras), 2014 (tracé gris), 2035 (tracé noir, mince).

Pyramide des âges en 2035 en séparant les CFQ et les IDI
La figure 11 montre la pyramide des âges pour les CFQ comparativement aux immigrants et enfants d’immigrants pour l’année 2035. Cette figure permet de constater quelques phénomènes intéressants. En premier lieu, la pente continue entre 40 et 95 ans est due au fait que l’immigration annuelle a été relativement continue au fil du temps et la modélisation a suivi cette tendance. En second lieu, le fait que les immigrants entrent au pays  à l’âge moyen de 26 à 30 ans, le vieillissement annuel de ceux-ci et l’ajout annuel de nouveaux immigrants engendre une bosse entre 25 et 44 ans. Cette bosse est dans un âge de fécondité élevé, ce qui explique que la cohorte des naissances atteint le même poids que celui des 25-45 ans. Le creux de 16 ans s’explique par le faible taux d’immigration à cet âge, l’augmentation de l’immigration qui maintient la bosse dans 25-45 ans et les naissances élevées. Chez les CFQ, on remarque la tendance inverse pour les naissances : la base de la pyramide des CFQ s’oppose à celles des immigrants et descendants d’immigrant. Ce phénomène est la représentation graphique du fait qu’une faible proportion des CFQ est en âge d’avoir des enfants (26 % des CFQ sont âgés de 15 à 40 ans) contrairement à la population immigrante (38 % des IDI sont âgés de 15 à 40 ans).

Figure 11. Pyramide des âges des Canadiens-français (noir) et des immigrants et leurs descendants (gris) en 2035.

Cohorte d’âges en 2035 en séparant les CFQ et les IDI
En 2035, on constate que la population des IDI représente la majorité de la jeunesse alors que celle des CFQ représente le troisième âge. La population active est également représentée par ces deux populations. La figure 12 illustre ce phénomène.

Figure 12. Nombre de Canadien-français (en noir) et d’immigrants et leurs descendants (en gris) selon le groupe d’âge en 2035.

Effet de l’immigration sur le rapport de dépendance
L’analyse du rapport de dépendance (figure 13) permet de voir de façon indirecte l’impact qu’aura le vieillissement de la population sur les finances publiques. On constate que l’arrivée des baby-boomers sur le marché du travail dans les années 70 a eu pour effet de créer un rapport de dépendance approchant 0.40 dans les années 1980, ce qui a forcément été très avantageux pour les finances de l’état. À l’inverse, leur arrivée à l’âge de la retraite à partir de 2010 fait monter le rapport de dépendance (RD) à un sommet historique aux environs de 2030, soit 0.67. Pour que l’immigration règle le problème du vieillissement de la population, il faudrait que cette option ait pour effet de maintenir un rapport RD constant, ce qui n’est pas le cas. Quand on observe la tendance de la courbe qui ne tient pas compte de l’immigration, on constate que l’immigration n’a pas d’impact sur la tendance. L’impact se fait sentir sur la gravité de la tendance, mais pas avant 2028. Ainsi, l’immigration ne permet pas de renverser les effets du vieillissement de la population, puisque la tendance est la même, cependant, elle permet une certaine atténuation. L’effet des politiques d’immigration étant insuffisant, l’autre option permettant de réduire le RD sur le long terme serait de travailler sur le taux de natalité par la mise en place de politique natalistes.

Figure 13. Rapport de dépendance au Québec en tenant compte de l’immigration (triangle) et en n’en tenant pas compte (tiret).

Impact des différents facteurs sur la date où les CFQ deviennent minoritaires
Le modèle prédictif utilisé pour l’étude considère l’effet du métissage, le taux de rétention des immigrants et fractionne le taux de fécondité selon le lieu de naissance des individus. Quand on enlève un à un ces facteurs, on perçoit l’impact de ceux-ci (tableau 1). Ainsi, on observe que le métissage devance l’année de mise en minorité des CFQ de deux ans, alors que le taux de rétention recule celui-ci de deux ans. Le fractionnement du taux de fécondité devance d’un an l’année de mise en minorité des CFQ.

Tableau 1. Effet de l’omission des facteurs sur la date de mise en minorité des Canadiens-français du Québec.
Taux de métissage
Taux de rétention des immigrants
Fractionnement de la fécondité
2037
2033
2036

Il est possible de voir l’impact d’une sous-estimation ou d’une surestimation de chacun des facteurs en les faisant varier, un seul à la fois, selon deux scénarios : faible et fort. On a fait varier, à partir de 2015, le taux d’immigration, le taux de métissage, le taux de fécondité des CFQ, le taux de fécondité des immigrants et le taux de rétention des immigrants de ±25 %, ±10 %, ±15 %, ±15 %, et ±10 % respectivement, par rapport au taux utilisé pour l’étude. La valeur de sortie étudiée est l’année où les CFQ deviennent minoritaires. Le tableau 2 montre l’impact de la variation des différents facteurs. On y retrouve la différence absolue entre l’année de mise en minorité des CFQ pour un scénario fort et faible de chacun des facteurs. Le taux d’immigration est le facteur majeur influant sur la date où les CFQ deviennent minoritaires. Considérant que la variation des taux de fécondité choisis est plus grande que la variation historique de ceux-ci, que le fractionnement de ces taux de fécondité a un impact très faible sur le modèle, on comprend que le fractionnement du taux de fécondité a un impact total négligeable. L’impact du taux de métissage et du taux de rétention est également faible. En ne considérant que le taux d’immigration pour l’analyse de 2014 à 2050, en éliminant le métissage, en ne tenant pas compte du taux de rétention des immigrants et en ne fractionnant pas le taux de fécondité, on trouverait que les CFQ deviennent minoritaires en 2036. Il est à noter qu’on a tenu compte de ces facteurs pour la génération de données de 1971 à 2014. Ainsi, le taux d’immigration est le seul facteur ayant un impact significatif pour une analyse sur 20 ans. Une analyse des extrêmes (faible immigration, haute fécondité des natifs, faible fécondité de ceux nés à l’étranger et faible taux de rétention et vice versa) montre que dans le pire et dans le meilleur des cas, la mise en minorité est entre 2029 et 2045 respectivement. L’analyse des extrêmes nous permet de voir que la plage des possibilités réalistes, c’est-à-dire environ la moitié de la plage des extrêmes, se situe entre 2032 et 2040.


Tableau 2. Différence entre un scénario fort et faible de chacun des facteurs : variation en années de l’année de mise en minorité des CFQ.
Facteurs
Taux immigration
Taux métissage
Fécondité des natifs
Fécondité immigrants 1e génération
Taux de rétention immigrant
Impact (années)
7
2
2
2
3

En somme, l’analyse des différents facteurs permet de voir que si notre étude prédit la mise en minorité des CFQ pour 2035, l’analyse de l’impact des différents facteurs montre que selon les différents scénarios, les CFQ seront certainement minoritaires entre 2032 et 2040 si l’immigration de masse persiste.

Comparaison avec les résultats de Jacques Henripin
Les travaux de Jacques Henripin (Henripin 1986; 1987) ont montré en 1986 qu’une immigration de masse réduirait les Canadiens-français du Québec au statut de minorité au cours du 21e siècle. Ces travaux sont orientés vers deux scénarios principaux basés sur un indice synthétique de fécondité de 1.6 pour la population native. Dans le premier scénario, l’immigration permet de stabiliser la population, dans le second, l’immigration permet de faire croitre la population de 1%. Si l'on observe le graphique 4 de ses travaux de 1987, on constate que le bagage génétique des Québécois nés 1981 correspond à 50 % du bagage génétique des Québécois des années 2050 pour les deux scénarios.  Sachant qu’en 1981, les Canadiens-français du Québec (CFQ) constituent 76 % de la population, on calcule que la mise en minorité des CFQ est obtenue lorsque le bagage génétique des Québécois des années projetées ne représente que 65 % de ceux de 1981. Ainsi, la mise en minorité des CFQ se produit entre 2030 et 2040 selon le scénario choisi pour les projections d’Henripin. Ceci correspond aux résultats des travaux présentés dans cet article.  Aussi, Henripin avait projeté qu’en 2081, le bagage génétique des Québécois de 1981 ne représenterait que 24 % du bagage des Québécois de 2081 (ou 18 % par rapport au CFQ). À titre comparatif, notre modèle calcule plutôt une valeur de 32 % (ou 24 % par rapport au CFQ). La concordance est étonnamment bonne sachant que la méthodologie d’Henripin est construite de façon à maintenir la population stable ou avec une croissance d’un pour cent alors que celle décrite dans le présent article vise à prévoir le futur en utilisant des facteurs calibrés sur les 44 dernières années et utilisant la documentation publiée depuis les années soixante-dix.

Conclusion
Ce travail a permis de constater qu’en 2014, les Canadien-français du Québec (CFQ) constituent 62 % à 66 % de la population québécoise, alors qu’ils constituaient 79 % de la population québécoise en 1971. Aussi, l’analyse révèle que le poids des Canadiens-français du Québec (CFQ) baissait de 0.4 % à 0.5 % annuellement entre 2006 et 2014 avec une tendance s’accélérant. L’analyse permet de constater que les CFQ deviennent minoritaires au Québec aux environs de 2035. On constate aussi que l’immigration n’a pas d’impact significatif sur la pyramide des âges, tant en 2014 qu’en 2035. L’étude du rapport de dépendance à montré que l’immigration ne permet pas d’empêcher la tendance à la hausse de celui-ci; l’immigration permet toutefois une atténuation du phénomène, mais à un niveau insuffisant. Ainsi, l’immigration ne permet pas d’atténuer les effets du vieillissement, tout comme l’avaient déjà démontré les auteurs du Remède imaginaire (Dubreuil et Marois 2011). En résumé, l’analyse démontre que le nombre d’immigrants est si élevé que les CFQ, qui étaient très largement majoritaires il y a une génération, deviendront minoritaires dans moins d’une génération.

Méthodologie

Présentation globale

Vue d’Ensemble de la Méthode
La population québécoise a été segmentée en trois grands groupes : Canadiens-français du Québec (CFQ), Canadiens non français (CNF) dont les ancêtres sont arrivées avant 1971, immigrants et descendants d’immigrants (IDI) dont la majorité des ancêtres sont arrivées après 1971. Dans les formules mathématiques utilisées, les CFQ et CNF seront appelés groupe A et B respectivement. À des fins de calcul, le groupe des IDI est divisé en trois sous-groupes : immigrants de première génération (groupe C), descendants des immigrants de première génération n’ayant pas de parents natifs du Québec (groupe D) et « métis » (groupe E). Les individus dont 50 % des ancêtres proviennent d’un individu du groupe C ou D et d’un natif du groupe A ou B feront partie du groupe E. Ainsi, d’un point de vue mathématique, on parlera de cinq groupes et pour l’analyse, on parlera de trois groupes. Les algorithmes permettront de distribuer l’ensemble des valeurs démographiques annuelles pour les cinq sous-groupes (A à E) de population énumérés précédemment. L’analyse, qui se fera sur les trois grands groupes (CFQ, CNF et IDI), tiendra compte de différents facteurs : la différence entre le taux de mortalité des immigrants de première génération et la population née au Québec, le taux de rétention des immigrants, le taux de fécondité et la naissance d’individus ayant des parents provenant de groupes différents.

L’analyse a comme point de départ l’année 1971 où le poids des CFQ est de 79%, celui des CNF est de 21% et celui des IDI de 0% en accord avec les postulats du précédent paragraphe et avec les travaux de Robert Maheu (Maheu 1973). 

La section I des résultats a été générée en distribuant les composantes de l’accroissement démographique de Statistique Canada pour les années 1971 à 2014. La section II des résultats suit le modèle général par cohortes et composantes (Bohnert et al 2015) tel que présenté par l’équation ci-dessous. La méthode, pour les sections I et II, trouve ses spécificités dans le calcul des composantes de l’accroissement et dans la division de la population en cinq groupes.



Logique de calcul
La première partie du travail est basée sur la construction d’un modèle que nous avons qualifié d’estimatif, fondé sur les données historiques permettant de calculer avec précision l’évolution démographique pour la période de 1971 à 2014. Ce modèle sert en premier lieu à donner une image précise de la situation actuelle et, en second lieu, à valider la fiabilité d’un second modèle. Le second modèle, appelé modèle prédictif, permettra de prédire à l’aide de projection l’évolution future du poids démographique des CFQ (voir tableau 3).

Tableau 3. Modèle utilisé selon les années étudiées
1971 à 2014
2014 à 2034
Modèle estimatif

Modèle prédictif
Entrées dictées par données réelles
Entrées prédictives (projection)

Le modèle estimatif (figure 14) utilise les données réelles. Il utilise comme entrée les composantes de l’accroissement démographique (immigrants, décès, naissances, émigrants, solde interprovinciale), les taux de mortalité et de fécondité, le taux de rétention des immigrants, le taux de métissage et le poids démographique en 1971 des Canadiens-français, des Canadiens non français et des immigrants arrivés après 1971. Ce modèle utilise les données démographiques de population totale et n’entre pas en détail dans la démographie par tranche d’âge. La mécanique du modèle, qui est principalement basée sur la distribution des composantes de l’augmentation démographique, sera expliquée plus loin. Les sorties du modèle sont les poids démographiques des trois groupes de population précédemment nommés. Pour ce modèle, les calculs ont été réalisés avec l’aide du chiffrier Excel.

Le modèle prédictif (figure 14) fonctionne en deux temps. Premièrement, il utilise les données réelles de population seulement pour l’année 1971. Pour la plage 1971 à 2014, il utilise l’immigration annuelle et les taux de fécondité et de mortalité réels. Comparativement au modèle estimatif, le modèle prédictif utilise les composantes démographiques décortiquées par tranche d’âge. Par contre, il utilise un facteur correctif pour l’émigration et le solde interprovincial des natifs. Il simule les décès et les naissances à l’aide des taux de fécondité et de mortalité. Pour la plage 2014 à 2050, le taux d’immigration est simulé à l’aide d’une corrélation basée sur les données historiques. À partir de 2014, les taux de fécondité et de mortalité sont fixés par rapport aux tendances de 2014. L’analyse de sensibilité et d’influence des facteurs permettra par la suite de voir l’influence d’une éventuelle surestimation ou sous-estimation de ces facteurs. La mécanique du modèle, qui est principalement basée sur la programmation d’une boucle itérative dans MATLAB, sera expliquée plus loin. Le modèle prédictif permet ainsi d’obtenir le poids démographique des CFQ, des CNF et des IDI. Ce modèle permet aussi d’obtenir la pyramide de population et l’évolution du rapport de dépendance.

Données utilisées
L’analyse sera basée principalement sur l’utilisation de la base de données CANSIM de Statistique Canada pour la province de Québec, de 1971 à 2014 (STATISTIQUE CANADA s.d.a; s.d.b; s.d.c; s.d.d). Ces données, triées par année et par tranche d’un an, comprennent les valeurs suivantes : population totale, naissances, décès, nombre d’immigrants, émigrants de retour, immigration temporaire, migration interprovinciale et résidents permanents. La majorité des facteurs utilisés pour réaliser ce travail, calculés ou utilisés directement, prennent leur source de Statistique Canada ou de l’Institut de la Statistique du Québec.  


Figure 14. Diagramme des valeurs d’entrées utilisées par les différents modèles pour générer les valeurs de sortie.


Mécanique du modèle estimatif

Distribution des composantes de l’accroissement

Distribution des naissances
Les naissances provenant du tableau 051-0004 de CANSIM sont distribuées parmi les groupes A, B, D et E. Chacun des cinq groupes génère une fraction des naissances de la population québécoise lui étant propre. Cette fraction est calculée en tenant compte du poids démographique du groupe ainsi que de son taux de fécondité.

Le groupe A reçoit le total des naissances de l’année multipliée par la fraction des naissances que ce groupe génère, moins les naissances issues du métissage. La fraction issue du métissage est égale à la fraction des naissances du groupe C multiplié par la proportion des immigrants en couple métissant, multiplié par le poids de la catégorie A par rapport aux catégories pouvant subir le métissage.

Pour le groupe B, les naissances sont distribuées de la même façon que pour le groupe A.

Pour le groupe C, aucune naissance n’y est distribuée puisque les enfants nés de ce groupe sont des immigrants de deuxième génération qui sont distribués dans les groupes D et E.

Le groupe D, étant les immigrants de deuxième génération non métissés, récolte les naissances de son groupe et celles du groupe C provenant de couples non métissés.

Le groupe E, représentant les immigrants de deuxième génération métissés, récolte les naissances de son groupe et celles du groupe C provenant de couples mixtes.

Distribution des décès
Les décès provenant du tableau 051-0004 de CANSIM sont distribués entre les groupes. Similairement au calcul des naissances, chacun des cinq groupes génère une fraction des décès de la population québécoise lui étant propre. Cette fraction est calculée en tenant compte du poids démographique du groupe ainsi que du taux de mortalité de celui-ci.

Immigration et solde de résidents non permanents
Le groupe C récolte l’entièreté des valeurs du tableau 051-001 de CANSIM concernant l’immigration et le solde des résidents non permanents.

Émigrants, émigrants de retour, écart résiduel
Chacun des cinq groupes se répartit ces composantes du tableau 051-0004 de CANSIM au prorata de leur population respective.

Solde de la migration interprovinciale
Nous considérons que les groupes A, B, D et E sont affectés au prorata de leur population par rapport à cette composante. Cependant, le groupe C est proportionnellement plus affecté que les autres groupes. Ainsi, le solde de la migration interprovinciale du groupe C est calculé en considérant le taux de rétention des immigrants décrit plus loin.

Calcul des facteurs du modèle estimatif

Calcul des taux de mortalité
Nous supposerons que l’espérance de vie des immigrants est équivalente à celle des individus nés au Québec. En réalité, leur espérance de vie serait supérieure à celle des Québécois, à cause d'un effet de sélection (Bourbeau 2002).

Le taux de mortalité des immigrants de 1re génération (groupe C) doit être modifié afin de tenir compte de l’âge d’arrivée des immigrants puisque le modèle estimatif ne tient pas compte de l’âge des individus comparativement au modèle prédictif. Ainsi, les taux de mortalité présentés plus bas diffèrent entre les groupes nés au Québec et les immigrants de première génération à cause de cette correction mathématique du modèle estimatif.

Les taux de mortalité et l’âge d’arrivée des immigrants sont obtenus des banques CANSIM (STATISTIQUE CANADA s.d.b; s.d.d).

Taux de rétention des immigrants
Le taux de rétention des immigrants ne peut être négligé puisque plusieurs immigrants quittent la province après avoir immigré au Québec. Pour le calcul du taux de rétention des immigrants, nous considérons les immigrants dont la première destination est le Québec, nous soustrairons ceux qui quittent la province et nous ajouterons ceux dont la première destination est une autre province, mais qui s’installent finalement au Québec. Ainsi, le taux de rétention que nous considérons est un taux de rétention corrigé par rapport à la définition du taux de rétention de Statistique Canada. Nous utiliserons une étude canadienne sur la mobilité provinciale de 1991 à 2006 (Myers 2010) pour calculer ce taux.

Taux de fécondité
Les taux de fécondité utilisés pour les individus nés au Canada et ceux nés à l’étranger proviennent du rapport sur l’état de la population du Canada de 2002 (Bélanger 2002). Le taux de fécondité fluctue de 1976 à 2001. Pour ces travaux, nous utiliserons la moyenne des taux de fécondité. Aussi, l’indice de fécondité des femmes nées d’immigrant est légèrement inférieur à celui des femmes nées au Canada (Street 2009). Nous considérons ainsi le taux de natalité des femmes nées au Québec, des femmes nées à l’étranger et des femmes ayant un ou deux parents immigrants.

Le « métissage »
L’étude ci-présente s’intéresse à une définition précise des Canadiens-français du Québec. Comme définis en introduction, les Européens autres que français contribuent déjà pour 2.4 % du patrimoine génétique des CFQ et les Autochtones, pour 1.5 %. Nous admettons ainsi un certain échange entre les peuples déjà présents. Nous ne considérons pas le métissage entre les peuples déjà établis au Canada avant 1971. Par contre, nous considérons les enfants issus d’un couple ayant un parent né au Québec et un parent né à l’étranger comme métisse, peu importe l’origine ethnique. Au sens plus large, nous avons considéré comme métis, les individus provenant de couple formé par un CFQ ou CNF avec un IDI. Notre définition de métis est donc purement synthétique et ne doit pas être confondue avec la définition courante.

Calcul de la proportion des immigrants en couple métissant
Pour cet aspect, le facteur de calcul dont nous avons besoin est la proportion d’immigrants en couple avec un individu né au Canada. Ce facteur est calculé à l’aide du tableau de répartition des naissances selon le lieu de naissance des parents (Street 2009).

Facteurs calculés
L’ensemble des facteurs qui ont été calculés est résumé au tableau 4.


Tableau 4. Facteurs utilisés pour le modèle estimatif.
Facteurs
Valeur
Unités
Taux de mortalité
(nés au Canada)
7.64
Morts par 1000 habitants
Taux de mortalité corrigé :
nés à l’étranger
10.46
Morts par 1000 habitants
Fécondité : nés au Canada
1.50
Enfants par femme
Fécondité : nés à l’étranger
2.01
Enfants par femme
Fécondité :
immigrant 2e génération
1.28
Enfants par femme
Fécondité :
un parent né à l’étranger
1.25
Enfants par femme
Taux de rétention des immigrants corrigé
0.872
Fractionnaire
Proportion d’immigrants en couple métissant
0.282
Fractionnaire

Analyse de sensibilité
L’analyse de sensibilité consiste à faire varier chacun des facteurs dans le but d’observer si une sous-estimation ou surestimation de ceux-ci a un impact significatif sur les résultats de l’étude. Le pourcentage de variation utilisé pour les facteurs a été sélectionné de manière à être suffisamment large pour couvrir de grossières erreurs d’estimation. La variation de chacun des facteurs est présentée au tableau 5.

Tableau 5. Variation des facteurs pour l’analyse de sensibilité du modèle estimatif.
Taux de mortalité immigrant
(taux par 1000 habitants)
Taux de rétention
des immigrants
Neutre : 10.5
-25 % : 7.8
+25 % : 13.1
Neutre : 87 %
-10 % : 77 %
+10 % : 97 %
Indice synthétique de fécondité — nés à l’étranger
(enfants par femme)
Immigrant en couple métissant
Neutre : 2.01
-25 % : 1.51
+25 % : 2.52
Neutre : 28 %
-15 % : 13 %
+15 % : 43 %

Mécanique du modèle prédictif

Algorithme général
Le point de départ de l’algorithme est la population de 1971 par tranche d’âge d’un an (STATISTIQUE CANADA s.d.a). L’immigration de 1971 à 2014 par tranche d’un an est tirée de CANSIM (STATISTIQUE CANADA s.d.d), alors que l’immigration de 2014 à 2050 est projetée. Le modèle prédictif est un modèle basé sur un algorithme de calcul itératif produit dans la boucle d’un script MATLAB. La forme générale du calcul itératif, sans rentrer dans les spécificités, se fait comme suit pour chaque année :
  1. On ajoute les naissances de l’année d’avant à l’âge un de l’année en cours. Le calcul des naissances de l’année d’avant consiste à multiplier chaque tranche d’âge (tranche d’un an) de la population de l’année précédente par la fécondité qui est reliée à cet âge.
  2. Pour chaque tranche d’âge de l’année en cours, à partir de deux ans, on ajoute la population de l’an dernier correspondant à cette tranche d’âge, c’est-à-dire la même tranche d’âge un an plus jeune.
  3. La population de chaque tranche d’âge (tranche d’un an) est multipliée par un facteur spécifique qui est lié à la mortalité à cet âge. La population restante est celle qui a survécu.
  4. Ensuite, à chaque tranche d’âge on ajoute les immigrants qui arrivent pour cette tranche d’âge.
  5. Finalement, on multiplie chaque tranche d’âge par un facteur considérant l’émigration, la migration interprovinciale et le retour d’émigrant.
  6. On passe à l’année suivante.
Les calculs effectués selon l’algorithme sont principalement basés sur du calcul vectoriel et matriciel.

Spécificités pour le calcul des sous-groupes
Pour le groupe A, B et D, on déduit des naissances les individus touchés par le métissage. Pareillement, dans ces groupes on rajoutera les naissances provenant d’un métis et d’un natif. Pour le groupe C, la seule source de croissance démographique est l’immigration. Pour le groupe E, en plus de la croissance intrinsèque de ce groupe, cette sous-population est augmentée par le « métissage, mais diminuée aussi par le démétissage. Le métissage et le démétissage seront décrits plus loin.

Calculs des composantes de l’accroissement

Calcul des naissances
Le nombre de naissances est obtenu pour chaque sous-groupe de population en multipliant cette population pour chaque tranche d’âge par son taux de fécondité spécifique.

Au lieu de distribuer les naissances de l’année dans chaque sous-groupe comme pour le modèle estimatif, le modèle prédictif considère le taux de fécondité spécifique à l’âge des individus et fait ainsi le calcul individu par individu. La fécondité spécifique à l’âge est aussi influencée par l’indice de fécondité de l’époque. Ainsi, le nombre de naissances est influencé par la pyramide des âges et l’indice de fécondité de l’année pour lequel les naissances sont calculées. L’algorithme calcule ainsi la natalité pour chaque tranche d’âge, pour chaque année.

Pour les groupes nés au Québec, soit les groupes A,B, D et E, les indices de fécondité de 1971 à 2000 sont tirés des données de l’INRS (Street 2009), les indices de 2001 à 2006 sont tirés du Bilan démographique de 2012 (Institut de la statistique du Québec 2012) et les indices de 2007 à 2014 sont tirée de Statistique Québec (Institut de la statistique du Québec 2015a). Dans le cas des immigrants (groupe C), les indices de fécondité de 1971 à 2000 sont tirés de l’INRS (Street 2009) et pour les années 2001 à 2014, la moyenne des années antérieures a été utilisée. Pour la projection au-delà de 2014, l’indice synthétique utilisé pour les groupes A, B, D et E est de 1.6, soit une moyenne des dernières années. Pour le groupe C, l’indice utilisé est 2.0, soit une moyenne historique qui fluctue très peu. L’analyse de sensibilité permettra de voir l’influence d’une surestimation ou d’une sous-estimation de ce facteur.

Calcul des décès
Le nombre de décès est obtenu pour chaque sous-groupe de population en multipliant cette population pour chaque tranche d’âge par son taux de mortalité spécifique. Le taux de mortalité est spécifique à l’âge des individus et à l’année en cours. L’algorithme calcule ainsi la mortalité pour chaque tranche d’âge, pour chaque année.

Les taux de mortalité selon l’âge et selon l’année sont calculés en utilisant les données de CANSIM (STATISTIQUE CANADA s.d.a; s.d.b). Le taux de mortalité calculé est le même pour les cinq groupes de population. Pour la projection au-delà de 2014, le taux de mortalité est le même que pour 2014. L’effet d’une baisse ou d’une augmentation de la mortalité devrait être négligeable sur le résultat final.

Calcul du « métissage »
Comme décrit dans la section précédente (mécanique du modèle estimatif), un sous-groupe artificiel a été créé pour tenir compte de l’effet du métissage dans les calculs. Pour tenir compte de cet effet pour les groupes A, B et D, on soustrait du nombre de naissances le nombre de métis. Le nombre de métis est obtenu par la multiplication du nombre de naissances du groupe C et du groupe D par la proportion d’immigrés en couple dits  métissant. Comme décrit précédemment, le calcul de la proportion des immigrants en couple métissant calculé à l’aide des statistiques de 1980 à 2006 (Street 2009).

On enlève les métis des naissances des groupes A et B au prorata de leurs naissances. Celles soustraites du groupe D équivalent à la somme retirée du groupe A et B. Pareillement, les naissances de métis  du groupe E équivaut aux naissances retirées du groupe A, B et D par métissage. 

En analysant les données de la littérature, on constate que la proportion des immigrants en couple métissant semble diminuer avec les années (figure 15). Ceci pourrait être dû à l’effet de concentration des immigrations dans certains quartiers. En effet, un groupe ethnique a plus tendance à former des couples mixtes lorsque son groupe est faiblement représenté dans une zone géographique donnée, alors que le taux de couples mixtes chez ce même groupe diminue lorsque son poids démographique augmente localement (Milan 2010).  Ainsi, l’algorithme applique un facteur de métissage fluctuant entre 1971 et 2014 en se basant sur les variations observées dans la littérature représentée à la figure 15.  Pour la projection des données à partir de 2014, nous utiliserons la valeur plancher des dernières années, soit 20 %, comme facteur de métissage.

Figure 15. Proportion des immigrants de première génération en couple avec un individu né au Québec.

À des fins de calculs, il a été décidé qu’un individu dont 75 % des ancêtres sont arrivés au Québec avant 1971 n’entre pas dans la catégorie des métis. Le démétissage est calculé en posant l’hypothèse qu’un métis forme un couple avec un natif ou avec un immigrant avec une chance égale au prorata du poids démographique de ces groupes. Ainsi, puisque nous avons considéré qu’un individu dont 75 % des ancêtres sont arrivés avant 1971 n’entre pas dans la catégorie des métis, nous retournons cet individu dans la catégorie A, B ou D. Ainsi, les groupes A, B et D sont gagnants dans cette correction mathématique, alors que le groupe E y est perdant.

Ajustement par rapport à l’émigration, le retour des émigrants et la migration interprovinciale
Pour tous les groupes, on multiplie la population par un facteur correctif qui inclut l’émigration, le retour d’émigrant et la migration interprovinciale. Ce facteur est calculé en moyennant entre 1971 et 2014 les rapports entre l’émigration, le retour d’émigration et la migration interprovinciale par rapport à la population provenant des données de CANSIM.

Pour le groupe C, on ne considère pas la migration interprovinciale dans le facteur de correction. Pour ce groupe, on considère le taux de rétention des immigrants au Québec, qui est de 87 % (Myers 2010), en enlevant 13 % des immigrants annuels du calcul. Pour la projection à partir de 2014, nous conserverons ce 87 % que nous ferons varier dans l’analyse de sensibilité.

Projection de l’afflux d’immigrant à partir de 2014
Certaines publications présentent des projections en montrant des scénarios faibles, moyens et forts qui utilisent une quantité absolue d’immigrants annuels (Institut de la statistique du Québec 2014), alors d’autres utilisent un taux proportionnel (Statistique Canada 2010). Pour la population québécoise, les données historiques confirment la tendance proportionnelle (figure 16).


Figure 16. Immigration annuelle en fonction de la population québécoise. Immigration réelle (ligne pointillée) et corrélation linéaire (ligne continue).

En effet, l’immigration annuelle de 1971 à 2014 est corrélée avec la population totale de la province avec un coefficient de détermination de 0.67. Ainsi, au lieu de choisir un taux d’immigration arbitraire, le taux d’immigration a été calculé en fonction de la population totale québécoise en utilisant cette corrélation.

Dans le modèle prédictif, l’immigration est distribuée par tranche d’âge. La fraction du total des immigrants pour chaque tranche d’âge est calculée à partir des données historiques de CANSIM (STATISTIQUE CANADA s.d.d).

Analyse de sensibilité
L’analyse de sensibilité pour le modèle prédictif s’est faite sur l’intervalle 2014 à 2050. La variation de chacun des facteurs est présentée au tableau 6. Le niveau de variation choisi pour le taux d’immigration est basé sur les variations du taux d’immigration des années antérieures; cette variation est de 28 %. La variation des taux de fécondité utilisés ici est beaucoup plus élevée que les variations historiques, ce qui permet de mieux apprécier cet effet. Historiquement, ces variations étaient de 7 % et 3 % respectivement pour les natifs et les immigrants de 1re génération. Dans le cas du taux de métissage et du taux de rétention, le niveau de variation est basé sur un taux raisonnable étant donné le manque de données historiques permettant de proposer une valeur. La valeur de sortie étudiée est l’année où les CFQ deviennent minoritaires.

Tableau 6. Variation des facteurs pour l’analyse de sensibilité du modèle prédictif.
Indice synthétique de fécondité
— nés au Québec
(enfants par femme)
Taux de rétention
des immigrants
Neutre : 1.6
-25 % : 1.2
+25 % : 2
Neutre : 87 %
-10 % : 77 %
+10 % : 97 %
Indice synthétique de fécondité
— nés à l’étranger
(enfants par femme)
Immigrant en couple métissant
Neutre : 2.01
-25 % : 1.51
+25 % : 2.52
Neutre : 28 %
-15 % : 13 %
+15 % : 43 %
Immigration annuelle
Neutre : Voir corrélation
-25 % : 0.75*Corrélation
+25 % : 1.25*Corrélation

Calcul du rapport de dépendance
Le rapport de dépendance représente la portion de la population dépendante, enfants et retraités, par rapport à celle qui est en âge de travailler (Chawla 1990). L’inverse de ce rapport donne le nombre de travailleurs par personne dépendante.

Comparaison des modèles
Le modèle estimatif utilisé pour étudier l’évolution des CFQ de 1971 à 2014 et le modèle prédictif utilisé pour les projections de 2015 à 2050 sont construits différemment. La force de l’algorithme du modèle estimatif est qu’il est plus précis que le modèle prédictif pour les années où nous possédons des données. Cependant, le modèle estimatif qui a été construit ne permet pas de générer des données pour les années futures, contrairement à l’algorithme du modèle prédictif. Le modèle estimatif sera précis quant aux valeurs absolues (population totale), car il distribue directement les composantes démographiques de CANSIM. À l’inverse, le modèle prédictif sera précis pour les valeurs relatives (proportion des CFQ dans la population), car il intègre l’effet de l’âge des individus. Si l'on compare ces modèles, on constate que, selon le modèle estimatif, il y a 64.4 % de CFQ en 2014, alors que le modèle prédictif nous dit qu’il y en a 62.5 %. La première partie de la section résultats (1971 à 2014) a été présentée avec les résultats du modèle estimatif, alors que la seconde partie a été présentée à l’aide des résultats du modèle prédictif.

RÉFÉRENCES

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